Un Sénat déchiré. Polarisé. Amputé. Emaillé de frustrations et sous la menace d'un dysfonctionnement. Les péripéties de la séance sur l'énoncé de la politique générale du Premier ministre Laurent Lamothe sont encore vivantes dans les esprits deux semaines après. Privé d'un tiers de ses membres, le quorum au Grand Corps devient une affaire politique. Cinq sénateurs suffisent pour paralyser cette branche du parlement. Pire. Les sénateurs sont à couteaux tirés. Certains d'entre eux rendent le président du Grand Corps responsable de cette situation.
Pour le sénateur Jean William Jeanty, c'est le président du Sénat qui a lui-même créé les conditions pour fragiliser le Sénat. La façon dont Simon Dieuseul Desra a géré la séance du 8 mai est à l'origine de beaucoup de frustrations chez un ensemble de pères conscrits, selon l'élu des Nippes. « Un malaise qui peut donner beaucoup de problèmes pour retrouver le fonctionnement normal du Sénat », a-t-il dit dans une interview accordée, mercredi, au Nouvelliste.
Selon lui, la séance du 8 mai a été un complot. « Le président Desra a reconnu qu'on lui a donné des pressions dans une émission à laquelle il a participé avec moi sur Radio Kiskeya. En toute décence, il aurait dû démissionner », a avancé Jean William Jeanty. Il a par ailleurs demandé à son collègue de préciser la nature et l'origine de ces pressions.
Le comportement de Simon Desra Dieuseul est un état de faiblesse. «... il aura beaucoup de difficultés à trouver l'autorité et la légitimité nécessaires pour diriger l'Assemblée comme avant », selon les prédictions de M. Jeanty.
En revanche, le parlementaire a reconnu que ce problème peut être résolu dans le dialogue et la concertation. Il ne sait pas encore s'il va participer à des séances au Sénat avec le sénateur Simon Dieuseul Desra comme président. « En politique il ne faut jamais dire jamais. Je vais m'assoir avec les autres sénateurs. Je me courberai à leur décision, car nous sommes des démocrates. Pour des raisons politiques ou stratégiques, un parlementaire peut décider de boycotter une ou plusieurs séances », a-t-il fait remarquer.
Le sénateur Desra contre-attaque et fait des révélations
Pour le président du Sénat, les critiques dont il fait l'objet viennent des sénateurs qui n'acceptent pas l'idée d'avoir perdu les élections en janvier dernier pour accéder à la tête du Sénat. Selon Simon Dieuseul Desra, l'actuel bureau restera en fonction jusqu'aux élections en juin prochain. « Il ne peut y avoir de coup d'état au Sénat. La démocratie doit être respectée », a-t-il martelé, mercredi, sur les ondes de Radio Magik 9.
Si cette situation perdure, elle pourra affecter le fonctionnement du Grand Corps dont la reprise des activités est prévue pour la semaine prochaine, a reconnu Simon Dieuseul Desra, qui inivite ses collègues à faire preuve de responsabilité. Contraints de respecter leur engagement à la fois moral et constitutionnel, les sénateurs ne peuvent pas, sans aucun motif valable, bouder les séances, a fait savoir l'élu du Plateau central.
M. Desra a dénoncé le comportement de ses détracteurs qui, selon lui, seraient de connivence avec l'exécutif dans le but de continuer à jeter le discrédit sur l'institution parlementaire. « On a toujours pointé du doigt certains sénateurs dans le cadre de cette démarche. Mais à présent qu'ils ne sont plus là, on se rend compte qu'on s'était grandement trompé. Les parlementaires qui avilissent le Sénat sont encore en fonction », a-t-il dit faisant référence à ceux qui contestent son leadership et qui auraient menacé de ne plus assister aux séances.
Le non-respect de l'article 78 des règlements internes exigeant la remise du document de l'énoncé de la politique générale du Premier ministre à chacun des sénateurs au moins quarante huit heures avant sa présentation serait à la base de ce choc des titans au Sénat. « Je n'ai pas dérogé aux règlements intérieurs du sénat », a soutenu Simon Dieuseul Desra, qui dit ne pas prendre au sérieux les prises de position de ses collègues.
Selon le président du Sénat, qui a fait référence à des rumeurs, deux des huit sénateurs qui ont quitté la séance le 8 mai dernier aurait expliqué au Premier ministre Lamothe avoir pris cette décision uniquement dans le but de lui faciliter la tâche. Un deal.
Sénateur François Anick Joseph : no comment
Il a perdu les élections en janvier dernier face à Simon Desra Dieuseul. « Je n'ai jamais eu un comportement d'aigri. Au contraire, je suis l'un des premiers à avoir promis son soutien à M. Desra après son élection à la tête du bureau », a réagi François Anick Joseph sur la Radio Magik 9 mercredi matin. Le sénateur a qualifié la position du président du Sénat de manoeuvre visant à assassiner politiquement ceux qui se sont opposés à ses dérives lors de la séance du 8 mai dernier.
L'élu de l'Artibonite croit dur comme fer que les règlements intérieurs du Sénat de la république n'ont pas été respectés à la lettre par le président du bureau. Le parlementaire a refusé de commenter les déclarations de son collègue selon lesquelles la décision de deux des sénateurs qui ont abandonné la séance du 8 mai dernier serait intéressée. « Je ne vais pas commenter des rumeurs, sinon on saurait plein de choses à propos du président du Sénat », a indiqué l'ancien prêtre.
Edwin Zenny met son mot
Il est un ami et allié du président Michel Martelly. Il est formel. Tous ses collègues doivent venir travailler. « Déjà avec 30 sénateurs il y avait des difficultés pour fonctionner. Amputé de dix ses membres, cela ne peut qu'empirer », a avancé le sénateur Edwin Zenny. Toutefois, l'élu du Sud-Est estime qu'il est du devoir de tous les sénateurs de venir travailler. « S'ils ne veulent pas assister aux séances, ils ne doivent pas non plus recevoir leur chèque, les frais de cartes de téléphones, de carburant... », a-t-il dit.
Pour ceux qui ont des contentieux avec le président du Sénat sur la façon dont il avait géré la séance du 8 mai, Edwin Zenny leur demande d'attendre la fin du mandat d'un an de Simon Desra Dieuseul. Le parlementaire a souligné que le Sénat a toujours été divisé, donc ce qui se passe maintenant au Grand Corps n'est pas nouveau.
Six mois pour renouveler le tiers du Sénat
Le Sénat loin de la normalisation. Techniquement, il faut six mois pour réaliser des élections devant renouveler le tiers du Sénat. Quatre mois pour le premier tour et deux autres mois pour le second tour, selon les explications du directeur général du Conseil électoral provisoire (CEP), Pierre-Louis Opon. « C'est le minimum qu'il faut envisager, si tout va bien, pour ces compétions », a-t-il confié au Nouvelliste.
De ce fait, si le gouvernement Martelly-Lamothe veut réaliser les élections sénatoriales et celles des collectivités territoriales en novembre prochain, il doit lancer le processus dès maintenant. Pour le moment, les employés du CEP se préparent pour les prochaines élections, selon M. Opon. Ils n'attendent que les décisions de l'exécutif sur le dossier. « Nous savons qu'il y aura de toute façon des élections bientôt dans le pays. C'est pourquoi on se prépare », a-t-il soutenu.
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