Gérald Oriol Junior, le Secrétaire d’État à l’Intégration des Personnes Handicapées, dans un discours remarquable, à fait une vibrante plaidoirie en faveur de la présence des personnes à besoins spéciaux dans les entreprises, dans le cadre d’une causerie avec le secteur privé, organisée en début de semaine.
Discours du Secrétaire d’État Gérald Oriol Jr. :
« Monsieur le Représentant du Ministre du Commerce,
Monsieur le Président du conseil d’administration de la CCIH,
Chers membres du secteur des affaires,
Distingués invités,
Chers amis,
C’est avec regret que je dois le dire : Nous perdons notre temps ! Nous perdons notre temps !
Comment en effet voulez-vous rapprocher les entrepreneurs, engagés à se battre pour des résultats, de la production, de l’efficacité et du profit, et des personnes diminuées, faisant face depuis leur naissance, depuis leur accident de voiture ou depuis l’effondrement de leur maison à un arrêt de leur efficacité, à une régression de leur capacité à produire, à profiter et à faire profiter les autres ?
Nous sommes au moment où tout le monde s’accorde à ce qu’on doit aider Haïti à décoller, et nous venons ici parler des boulets de notre société !
Alors que faire ? Rentrer chez nous et nous dire que, décidément, rien ne sert d’attendre les boiteux, puisqu’il nous faut courir, ou plutôt nous asseoir et étudier ensemble la situation pour voir si nous n’aurions pas raison de nous retrouver ensemble, paradoxalement, militants de la cause des personnes handicapées, et hommes ou femmes d’affaires !
Comme souvent, le paradoxe nous conduit à approfondir une problématique en sortant des sentiers battus.
Le handicap revêt en Haïti une dimension particulière. En un sens, les personnes handicapées sont souvent exclues, rendues invisibles aux yeux de la société, souvent par leur propre famille. Dans un autre sens, elles sont plus visibles, moins aidées mais plus batailleuses qu’ailleurs peut-être. Par ailleurs, alors que le monde des affaires est dans beaucoup de pays une sphère presque impersonnelle, en Haïti, notre vie insulaire, les recoupements des familles, l’histoire commune récente, tout pousse à ce que la problématique du handicap, à laquelle n’échappe pas la classe industrielle et commerciale, soit moins cachée, moins taboue que dans certains pays et ce sans même le besoin de la loi.
Pourtant, malgré ces singularités de notre société, les personnes handicapées rencontrent le plus souvent des difficultés insurmontables pour trouver un emploi. Il faut dire qu’une entreprise doit sans cesse affronter les obstacles que dressent devant elle les concurrents, les flux internationaux, les aléas politiques, climatiques ou économiques. Elle ne va donc pas de gaieté de cœur introduire en son sein une personne dont le handicap est logiquement perçu comme un obstacle à l’efficacité.
Penchons-nous donc sur cette évidence logique : le handicap de la personne est un handicap pour l’entreprise. J’évoquerai brièvement quatre points.
A vue de nez, c’est indiscutable. Pourtant, une entreprise n’est pas une somme arithmétique de passif et d’actif. Dans ses ressources humaines, elle est un tout dynamique, un organisme vivant qui dépasse la somme des parties et dont les parties peuvent jouer un rôle plus grand que celui d’un rouage dont la force transmise est quantifiable. Négativement, voyez comment le découragement ou l’inquiétude peuvent miner des résultats ; remarquez le poids d’un bon superviseur dans la motivation de son équipe ; songez combien un mauvais coucheur peut nuire à la dynamique de groupe. Dans cette conception de l’entreprise comme un ensemble dynamique, la place de la personne handicapée change. En effet, là où une personne handicapée apporte des contraintes (mobilité, fatigabilité, protection, rapidité…) elle apporte aussi des richesses. Les ressources que valent des années d’efforts sur soi, de courage envers l’adversité en général et envers le regard des autres en particulier ; la richesse que constituent le courage, la patience, la persévérance et la compréhension sans lesquelles la personne handicapée n’aurait pas tenu. L’ingéniosité souvent pour débrouiller des situations inextricables, pour tout dire, une capacité unique d’innovation !
Au sein de l’entreprise, la personne handicapée peut donc tout à fait se trouver du côté ‘actifs’ du bilan !
Un autre domaine dans lequel la personne handicapée présente une plus-value : Nombre d’entreprises souffrent d’une hémorragie continue de leurs ressources humaines : à peine avons-nous formé quelqu’un pour le porter au niveau d’efficacité requis qu’il part et passe à la concurrence, aux ONG, ou à l’étranger ! Une personne handicapée a d’ordinaire moins tendance à quitter son emploi, encore moins si elle s’y sent accueillie. La rétention des ressources humaines compétentes est une clef.
Un troisième point qui ne doit pas être négligé : Nos chefs d’entreprises sont souvent préoccupés du social et du progrès d’Haïti en ce domaine. Un autre élément positif donc de l’emploi de personnes handicapées est l’introduction d’un changement bénéfique pour la société haïtienne dans son ensemble.
Enfin, il faut le dire crument, la personne handicapée vit souvent avec et par sa famille. Elle exerce donc en retour un poids important au sein du cercle familial. Une entreprise employant une personne handicapée obtient presque nécessairement la clientèle de la famille de l’employé. Cela n’est pas négligeable sur le marché local. Mais sur le marché international, la possibilité de montrer qu’elle est un employeur « éthique » peut accorder à une entreprise meilleure réputation qu’une campagne publicitaire.
Si ces quatre points tendent à réduire notre paradoxe, il me faut en ajouter un cinquième. Que ce soit comme employés, comme clients, comme associés ou comme partenaires, les personnes handicapées attendent des entreprises haïtiennes la poursuite des efforts commencés par certaines en matière d’accessibilité. Il suffit parfois seulement d’inclure cette préoccupation lors de la conception des espaces. Il faut parfois les aménager après coup. Dans tous les cas, l’investissement n’est pas vain car le temps gagné par les personnes ayant besoin de dispositions d’accessibilité spéciales profite à l’entreprise : le client est mieux servi, entre plus vite, est plus satisfait, repart sans effort avec ses marchandises ou son contrat ! Idem pour les employés. En prime : une meilleure image pour l’entreprise.
A la lueur de ces brèves considérations, j’invite donc les personnes ici présentes à voir de plus près comment diminuer les obstacles existant à l’emploi des personnes handicapées et à l’accès aux bâtiments privés ouverts au public.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite un fructueux travail. »
Gérald Oriol Jr.
Secrétaire d'Etat
Bureau du Secrétaire d'Etat à l'Intégration des Personnes Handicapées (BSEIPH)
Discours du Secrétaire d’État Gérald Oriol Jr. :
« Monsieur le Représentant du Ministre du Commerce,
Monsieur le Président du conseil d’administration de la CCIH,
Chers membres du secteur des affaires,
Distingués invités,
Chers amis,
C’est avec regret que je dois le dire : Nous perdons notre temps ! Nous perdons notre temps !
Comment en effet voulez-vous rapprocher les entrepreneurs, engagés à se battre pour des résultats, de la production, de l’efficacité et du profit, et des personnes diminuées, faisant face depuis leur naissance, depuis leur accident de voiture ou depuis l’effondrement de leur maison à un arrêt de leur efficacité, à une régression de leur capacité à produire, à profiter et à faire profiter les autres ?
Nous sommes au moment où tout le monde s’accorde à ce qu’on doit aider Haïti à décoller, et nous venons ici parler des boulets de notre société !
Alors que faire ? Rentrer chez nous et nous dire que, décidément, rien ne sert d’attendre les boiteux, puisqu’il nous faut courir, ou plutôt nous asseoir et étudier ensemble la situation pour voir si nous n’aurions pas raison de nous retrouver ensemble, paradoxalement, militants de la cause des personnes handicapées, et hommes ou femmes d’affaires !
Comme souvent, le paradoxe nous conduit à approfondir une problématique en sortant des sentiers battus.
Le handicap revêt en Haïti une dimension particulière. En un sens, les personnes handicapées sont souvent exclues, rendues invisibles aux yeux de la société, souvent par leur propre famille. Dans un autre sens, elles sont plus visibles, moins aidées mais plus batailleuses qu’ailleurs peut-être. Par ailleurs, alors que le monde des affaires est dans beaucoup de pays une sphère presque impersonnelle, en Haïti, notre vie insulaire, les recoupements des familles, l’histoire commune récente, tout pousse à ce que la problématique du handicap, à laquelle n’échappe pas la classe industrielle et commerciale, soit moins cachée, moins taboue que dans certains pays et ce sans même le besoin de la loi.
Pourtant, malgré ces singularités de notre société, les personnes handicapées rencontrent le plus souvent des difficultés insurmontables pour trouver un emploi. Il faut dire qu’une entreprise doit sans cesse affronter les obstacles que dressent devant elle les concurrents, les flux internationaux, les aléas politiques, climatiques ou économiques. Elle ne va donc pas de gaieté de cœur introduire en son sein une personne dont le handicap est logiquement perçu comme un obstacle à l’efficacité.
Penchons-nous donc sur cette évidence logique : le handicap de la personne est un handicap pour l’entreprise. J’évoquerai brièvement quatre points.
A vue de nez, c’est indiscutable. Pourtant, une entreprise n’est pas une somme arithmétique de passif et d’actif. Dans ses ressources humaines, elle est un tout dynamique, un organisme vivant qui dépasse la somme des parties et dont les parties peuvent jouer un rôle plus grand que celui d’un rouage dont la force transmise est quantifiable. Négativement, voyez comment le découragement ou l’inquiétude peuvent miner des résultats ; remarquez le poids d’un bon superviseur dans la motivation de son équipe ; songez combien un mauvais coucheur peut nuire à la dynamique de groupe. Dans cette conception de l’entreprise comme un ensemble dynamique, la place de la personne handicapée change. En effet, là où une personne handicapée apporte des contraintes (mobilité, fatigabilité, protection, rapidité…) elle apporte aussi des richesses. Les ressources que valent des années d’efforts sur soi, de courage envers l’adversité en général et envers le regard des autres en particulier ; la richesse que constituent le courage, la patience, la persévérance et la compréhension sans lesquelles la personne handicapée n’aurait pas tenu. L’ingéniosité souvent pour débrouiller des situations inextricables, pour tout dire, une capacité unique d’innovation !
Au sein de l’entreprise, la personne handicapée peut donc tout à fait se trouver du côté ‘actifs’ du bilan !
Un autre domaine dans lequel la personne handicapée présente une plus-value : Nombre d’entreprises souffrent d’une hémorragie continue de leurs ressources humaines : à peine avons-nous formé quelqu’un pour le porter au niveau d’efficacité requis qu’il part et passe à la concurrence, aux ONG, ou à l’étranger ! Une personne handicapée a d’ordinaire moins tendance à quitter son emploi, encore moins si elle s’y sent accueillie. La rétention des ressources humaines compétentes est une clef.
Un troisième point qui ne doit pas être négligé : Nos chefs d’entreprises sont souvent préoccupés du social et du progrès d’Haïti en ce domaine. Un autre élément positif donc de l’emploi de personnes handicapées est l’introduction d’un changement bénéfique pour la société haïtienne dans son ensemble.
Enfin, il faut le dire crument, la personne handicapée vit souvent avec et par sa famille. Elle exerce donc en retour un poids important au sein du cercle familial. Une entreprise employant une personne handicapée obtient presque nécessairement la clientèle de la famille de l’employé. Cela n’est pas négligeable sur le marché local. Mais sur le marché international, la possibilité de montrer qu’elle est un employeur « éthique » peut accorder à une entreprise meilleure réputation qu’une campagne publicitaire.
Si ces quatre points tendent à réduire notre paradoxe, il me faut en ajouter un cinquième. Que ce soit comme employés, comme clients, comme associés ou comme partenaires, les personnes handicapées attendent des entreprises haïtiennes la poursuite des efforts commencés par certaines en matière d’accessibilité. Il suffit parfois seulement d’inclure cette préoccupation lors de la conception des espaces. Il faut parfois les aménager après coup. Dans tous les cas, l’investissement n’est pas vain car le temps gagné par les personnes ayant besoin de dispositions d’accessibilité spéciales profite à l’entreprise : le client est mieux servi, entre plus vite, est plus satisfait, repart sans effort avec ses marchandises ou son contrat ! Idem pour les employés. En prime : une meilleure image pour l’entreprise.
A la lueur de ces brèves considérations, j’invite donc les personnes ici présentes à voir de plus près comment diminuer les obstacles existant à l’emploi des personnes handicapées et à l’accès aux bâtiments privés ouverts au public.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite un fructueux travail. »
Gérald Oriol Jr.
Secrétaire d'Etat
Bureau du Secrétaire d'Etat à l'Intégration des Personnes Handicapées (BSEIPH)
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