dimanche 3 juin 2012

Face à Face Martelly et groupe des Neuf






La publication du texte portant révision de la Constitution de 1987 sera faite au début du mois de juin. C’est ce qu’a annoncé le porte-parole du président Martelly, Lucien Jura. Plus d’un an après avoir rapporté le document qui avait été publié par son prédécesseur, le chef de l’État change de position. Les raisons de ce revirement demeurent encore inconnues. Certains analystes y voient la patte de l’international.

Toutefois, selon certains spécialistes en droit, notamment Monferrier Dorval, l’amendement « n’était jamais sortie de vigueur ». « Un arrêté ne peut rapporter une loi constitutionnelle », avait alors agité le docteur en droit public dans son plaidoyer. Les tractations autour de cette loi sont légion. Les coups bas aussi. Quel a été le nouveau deal à la base de cette republication du texte ? Nul ne sait. Plusieurs commissions avaient déjà travaillé sur une reconstitution de la séance de l’Assemblée constituante. Aucun des travaux n’a été publiquement adopté. D’ailleurs, Simon Dieuseul Desras avait lancé une mise en garde à ces groupes qu’il accusait de vouloir se substituer au Parlement.

Le porte-parole de la présidence n’a pas mentionné si des corrections avaient été apportées au document. Dans un premier temps, le pouvoir Martelly avait estimé que le texte avait été falsifié. Pourtant, dans un second temps, lorsque les rapports se sont dégradés avec le Parlement, l’amendement a servi d’instrument de chantage. Plusieurs promesses de publication ont été faites. Qui n’ont jamais été tenues. Peut-on publier un texte qui ne traduit pas la déclaration d’amendement demandée par l’équipe sortante ? Et M. Martelly a-t-il le droit de publier un amendement qu’il n’a pas lui-même commandité ?

La résistance s’organise…

Neuf sénateurs, parmi lesquels les huit qui ont abandonné la séance de ratification de Laurent Lamothe, se sont opposés à la publication de l'amendement. Anick François Joseph a rappelé à l’exécutif que seule l'Assemblée nationale avait la compétence de corriger ou de modifier la Constitution ou d’amender un texte de loi. Ces amendements seraient nuls, puisqu’ils furent entachés d'irrégularités et de fraudes diverses, a expliqué le sénateur de l’Artibonite.

Jeu d’intérêts, pressions internationales. Les causes avancées par les neuf alliés, qui motiveraient cette publication, sont diverses. Ils invitent le Président à attendre la fin de la législature pour soumettre une autre proposition d’amendement et rentrer ainsi dans la légalité. Entre autres, les neuf pressent le chef de l'État de former un nouveau Conseil électoral provisoire pour organiser les prochaines élections municipales et sénatoriales.

Retour aux valeurs d’antan

« Martelly n’a pas de projet », il a des idées, selon Andris Riché, qui place le plaidoyer des neuf au-delà d’une simple affaire de publication d’amendement. « N’étant pas un homme de parti, le Président ne va pas pouvoir avancer », prédit-il. Il s’enlise. Le pays serait dirigé par des slogans et des saupoudrages des problèmes réels par des actions personnelles éphémères. La première année du mandat de M. Martelly serait aussi un appendice de la campagne électorale, à entendre M. Riché. Le Président n’a pas les moyens de sa politique. Tout doit se faire suivant un plan, soutient-il, pour éviter de construire un « État d’assistanat ».

Il faut redonner confiance à l’Haïtien. La folie ambiante envahit l’esprit des gens, et les valeurs de jadis se perdent. Toute la structure de l’État vacille. « Tout le monde est à vendre dans ce pays. Et tente de profiter des situations faciles. » L’opportunisme prend le pas sur le travail, déplore Andris Riché. La corruption grandit avec cette attitude attentiste. L’espoir est ailleurs. Le dilettantisme politique gagne toute la population. Notre dignité de peuple s’évapore. Lentement.

Andris Riché déplore le comportement de ses pairs, qui discrédite le Grand Corps. « Un Sénateur, autrefois ce fut un homme honorable. Un symbole de moralité. » Aujourd’hui, c’est une personnalité quelconque, en mal d’image. Le tour joué à Kelly C. Bastien lors de la formation du gouvernement Lamothe montre à clair, estime Riché, que le respect des gens a régressé. Le patriotisme ne signifie plus rien. C’est à la base qu’il faut aller chercher la solution au mal qui nous ronge, croit-il. « Nous avons créé un État, mais pas un État-nation ». Le projet commun n’existe donc pas.

L’Haïtien n’est plus fier. Pourtant être haïtien fut un titre honorifique, gagné par nos ancêtres à la sueur de leur front. L’idéal de 1804 est foulé au pied. Les pressions exercées sur le Président pour publier l’amendent, c’est une autre manière, dénonce Andris Riché, de donner à l’étranger un outil de domination de plus, après la loi d’urgence de 2010. « Les dirigeants de ce pays ont tellement de choses à cacher, pour plaire à l’international et éviter d’éventuelles représailles, qu’ils sont prêts à tout ». Jusqu’à hypothéquer l’avenir de leurs compatriotes pour sauver leur peau, a martelé Riché.

« Le projet démocratique de 1986 a été saboté.» Seul un rassemblement des forces progressistes de ce pays autour d’un contrat social bien défini, prône Riché, peut aider à matérialiser notre légende « l’Union fait la force ». Divisé, le Sénat est de plus en plus fragilisé et risque de se dissoudre en cas de démission de certains sénateurs. Un plan serait déjà en branle. En tout cas, l’élu de la Grand-Anse dénonce cette stratégie honteuse en prônant l’unité, et la création d’un nouveau projet de société. Encadré: les noms des 9 sénateurs Steven Benoit Andris Riché Moïse Jean Charles Wesner Polycarpe Jean Baptiste Bien-Aimé Anick François Joseph Jean William Jeanty Francisco De Lacruz Franky Exius
Lionel Edouard doulion29@yahoo.fr
Source: Le Matin

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LE POUVOIR POLITIQUE SELON MAX WEBER

Le pouvoir politique selon Max Weber Le pouvoir politique, c'est la domination exercée par une personne ou un groupe de personnes dans une société, dans le but d'organiser celle-ci. La cohérence d'un projet politique est assurée par un pouvoir politique qui mène cette action. Ce contrôle peut être fait à l'encontre de la volonté populaire (dictature) ou au nom du peuple, c'est à dire par et pour le peuple (démocratie). A ce niveau, il est questions de systèmes et de régimes politiques, qui méritent deux fiches supplémentaires! Il faut commencer par définir ce pouvoir politique, puis voir quelles formes il peut prendre. On parlera alors ici de régimes et de systèmes (tout de même), mais aussi de domination, de portées anthropologiques, historiques, culturelles, philosophiques... Pour constater, en conclusion, les choses n'ont pas tant évolué ces derniers siècles... Avec, encore une fois, un rapport à l'actualité. Définition La plus utile, et la plus célèbre, c'est celle qu'a énoncée Max Weber dans Le Savant et le Politique (1919) : "Le pouvoir politique, c'est le monopole de la violence légitime". Retenir cela, c'est déjà posséder l'essentiel en la matière... Il s'agit désormais de comprendre ce que cela implique concrètement. La violence légitime, c'est la violence qui est reconnue par tous comme légitime, c'est à dire nécessaire au bon fonctionnement de la communauté. S'il n'y avait pas de violence dite "légitime", n'importe qui pourrait se faire justice soi-même et la loi du plus fort, ou encore du "chacun pour soi" règnerait. Par "violence", il ne s'agit pas que d'aggression physique, mais aussi et surtout de violence symbolique (exemple : un redressement fiscal ne se règle pas avec des coups de bâton...). Hobbes dit que "L'Homme est un loup pour l'Homme" : Le pouvoir politique permet de distribuer plus ou moins équitablement les droits et devoirs entre les citoyens. Et cela passe par l'acceptation collective d'une autorité qui exerce cette violence légitime, c'est à dire cette possibilité de fixer des limites à ceux qui dépassent les règles et empiètent sur la liberté d'autrui ("la liberté de chacun s'arrête là où commence celle d'autrui"...). Chez hobbes, la société organisée est une nécessité pour échapper à un état de nature qui n'engendre que la guerre. Chez Rousseau, ce "contrat social" est un compromis, une régulation entre l'aspect fondamentalement social de l'Homme et sa nature qui, ici, est pensée comme fondamentalement bonne. Donc, l'armée, la police, la justice, sont des instruments de cette "violence légitime", qui permet d'empêcher ou de punir les cas de violence individuelle (interdire de se faire justice soi-même, c'est lutter contre la Loi du plus fort). Mais ils doivent être utilisés dans un cadre juridique, sans quoi ils deviennent, également, illégitimes. Ainsi, ce pouvoir implique, naturellement, qu'un policier qui fait un usage abusif de son arme soit puni. Tout pouvoir qui ne possède pas de contre-pouvoirs est dit "absolu". La violence légitime est une notion positive, qui doit sans cesse (surtout en démocratie) se remettre en question. Bref, une fois que quelqu'un a le pouvoir de taper, on l'écoute... Donc, le pouvoir politique, qui exerce cette domination légitime, est à même de structurer la société, pour le meilleur comme pour le pire. Pour définir ce qu'est la violence illégitime (celle qui doit être combattue pour assurer le respect des droits et devoirs des citoyens), il est important que les bases du pouvoir reposent sur des Lois, sur une juridiction. Le pouvoir politique peut s'exercer de plusieurs manières... Il faut, dès ici, faire la différence entre trois concepts fondamentaux: les types de domination, les sytèmes politiques, et enfin les régimes politiques... ce sont trois facteurs qui peuvent être cumulés entre eux... Les 3 types de domination politique Encore un formidable éclairage que l'on doit à Max Weber... Trois types: - la domination traditionnelle : le chef est chef en raison de ses ascendances divines, de ses pouvoirs mystiques, de son lien avec l'au-delà... Ex : Selon les sociétés, - tribus d'Amazonie : le chaman est, souvent, le chef du village - Egypte Antique : le pharaon est aussi un demi-dieu... - Royaumes européens : le roi possède une légitimité divine, souvent renforcée par des pouvoirs spécifiques (comme ce fut le cas pour les Rois Thaumaturges) Bref, la domination traditionnelle, c'est la fusion originelle de l'occulte et du politique. Celui qui, dans le groupe, peut revendiquer un lien quelqconque avec l'au-delà, se trouve en mesure de revendiquer le pouvoir politique... traditionnel peut-être mais efficace. - la domination charismatique : c'est le "niveau 2" du pouvoir politique : en raison de son comportement héroïque, de son charisme, de l'admiration irrationnelle qu'un être suscite, celui-ci est considéré comme le chef naturel, spontanément plébiscité... Une survivance moderne de cette domination est le moteur du mythe de l'"homme providentiel" (ou de la femme, bien sûr), encore vivace sous notre Vème République. Exemples concrets : - Attila est le meilleur guerrier des Huns? C'est donc le chef des Huns... - Périclès est le meilleur gestionnaire, tacticien, guerrier, orateur et économiste de la Grèce Antique? Il impressionne même les plus fervents partisants de l'aristocratie? Aucun doute, c'est lui qu'il faut à Athènes... - Plus récent, en France... et beaucoup moins glorieux au regard de l'Histoire : Pétain est un héros de 1914? Alors on espère qu'il va nous sauver en 1940... Comme quoi... Et enfin, le type de domination le plus avancé, le plus moderne, le plus... souhaitable : - la domination légale-rationnelle : là, c'est simple, on prend plus compétent, celui qui est à même de gouverner le pays non pas parce qu'il impressionne, mais juste parce qu'il fait bien son travail... - Euh... Roosevelt aux Etats-Unis, Blair en Grande-Bretagne, Churchill, Giscard (qui n'avait pas un super charisme non plus...). Bref, c'est moderne, c'est administratif, ça fait moins rêver mais c'est plus efficace et souvent bien moins violent. Limites Il faut bien garder en tête que ce sont des exemples absolus, et qu'on peut tout à fait combiner les trois... Je cite un exemple ou deux, tout bêtement, pour confirmer que les dispositifs ici évoqués sont encore bien ancrés... - Nicolas Sarkozy dans la campagne présidentielle : Cela fait trois ans qu'on le présente un peu partout comme l'homme de la situation, comme celui que la France attend... Bref, on fait encore une fois appel au "mythe de l'Homme Providentiel". Depuis Napoléon Bonaparte, ce mécanisme caractérise la France ; plutôt que de croire en la force collective et rationnelle, on va chercher à trouver un sauveur (Napoléon, De Gaulle, Pétain, et sûrement, maintenant, Sarkozy, sauf si son bilan est catastrophique). de manière voulue ou non, Nicolas Sarkozy, aujourd'hui investi, porte ces éléments de domination charismatique, que la "monarchie présidentielle" de notre Vème République facilite par sa structure. Bien sûr, N. Sarkozy a été élu sur un programme... Pas la peine d'en rajouter, il y a aussi et surtout de la domination légale-rationelle dans notre système. Et pour ne pas faire de jaloux... - Ségolène Royal dans la campagne présidentielle : A l'heure du marketing politique et du contrôle des symboles, on peut se demander si l'utilisation de l'imagerie populaire religieuse ou, au moins, mythique, ne tient pas des traits d ela domination traditionnelle... Quand on s'habille en blanc sur proposition des conseillers en communication pour rappeler la Vierge Marie, symbole de la protection par excellence, quand on se présente et que l'on se fait présenter comme l'image la plus proche de "Marianne", ne peut-on pas considérer qu'il s'agit de ce ressort? Surtout que, comme Nicolas Sarkozy, elle aussi s'est dite "habitée" par sa mission. Se sentir "élu(e)" avant les échéances, faire référence au divin, comme pouvait le faire auparavant François Bayrou, tient peut-être encore de cette forme première de domination politique. Heureusement, le Pacte Présidentiel de Ségolène Royal est un exemple clair de légal-rationnel. Or elle aussi succomba à la volonté d'incarner la "Femme Providentielle". cette persistance du charismatique est, sous cette forme, une particularité qui, parmi les pays occidentaux, semble toute française. On pourrait passer en revue les autres candidats de 2007, mais je pense que les exemples sont clairs et que chacun pourra trouver quelle est, par exemple, la part d'"Homme Providentiel" exploitée chez José Bové, Jean-Marie Le Pen, François Bayrou ou encore Nicolas Hulot s'il s'était présenté... Voici donc une présentation non exhaustive du pouvoir politique et de sa définition par Max Weber, qui fait loi en la matière. Un petit résumé : Définition principale : Le pouvoir politique, c'est le monopole de la violence légitime (Max Weber). Car c'est seulement si le pouvoir d'état est respecté que la société peut s'organiser autour d'un point unanimement reconnu, et donc avancer, se structurer. Ce même Max Weber énonce trois types de dominations : - Traditionnelle - Charismatique - Légale-rationnelle ---> Ces trois types peuvent se combiner, même s'ils sont ordonnés du plus archaïque au plus moderne et souhaitable. Or l'Homme n'est pas encore prêt à se contenter de domination légale-rationnelle... qui nécessiterait d'abandonner la passion et l'irrationnel en politique...